
Le collège anonyme où j'ai l'insigne privilège de servir (au sein du département "Châtiment et Répression")
16h40 (ou presque)
Vendredi 17 juin 2004.
Protagonistes : le Père, le Pion, la putain de connasse de Prof de mes couilles en ski d'anglais.
_" Bonjour, pardon de vous déranger, mais je voulais savoir pourquoi F. - mon fils - n'est toujours pas sorti alors qu'il finit les cours à 16h30, qu'il me dit, alors que je suis en train d'afficher le résultat de la finale de mon super tournoi de foutebôl ('tain les cons ! ça s'est fini aux tirs au but suivis de l'épreuve de la mort subite - un boulevard de la contestation en soi, qui, forcément, prend fin par le biais d'un "tant pis pour votre gueule mais le poteau est bel et bien rentrant ! T'façon vous faites chier après tout ! Vous avez passé les barrages alors merde, pleurez pas, c'est déjà bien beau de s'être retrouvés en finale hein !") de mettre de l'ordre dans le bureau de la Kommandantur.
_ Mais vous ne me dérangez pas, lui rétorqué-je hypocritement, alors qu'il ne restait que moi au sein dudit Département, et que je m'apprêtais psychologiquement à me faire charcuter non sans maestria un ou deux chicots une demi-heure après par mon vieux fou/sage chibani de dentiste.
_ Bref, je l'attends et puis j'ai un rendez-vous chez le médecin à 17h, alors... (formule de politesse qui signifiait rien d'autre que "j'ai pas qu'ça à fout'").
_ Patientez un instant... Je vais vérifier les billets d'absence (et je vérifie, c'est pas que du bla-bla hein !). Ben non, l'était bien présent en début d'après-midi au moins (merde, je me rends compte que j'ai pas le billet de la dernière heure, qui fut celle de l'hémorragie). De toutes façons, je dois remonter en salle des profs (et prendre la tangente fissa), p'têt bien qu'on croisera sa prof (pourvu que ce ne soit pas le cas, remarque y'a pas de risque ! feignasse comme elle est, elle doit déjà être chez elle en train de baigner ses cors aux pieds et autres verrues plantaires devant Les Chiffres Et Les Lettres)".
Nous sortons du bureau. Visiblement, l'a envie d'engager la conversation le bougre. Pas moi. Ca tombe mal.
"Rhaaaa-lala..., expire-t-il en un râle qui n'annonce rien de bien engageant, il nous cause bien du souci en ce moment F".
Aparté : certes, en ce moment, j'ai l'honneur d'être gratifié de sa présence inopinée en étude - comme pas mal de ses comparses, il y passe plus de temps qu'en cours. Et son "j'me branle de tout", pourtant si classique, me gonfle assez rapidement. En clair, si je pouvais lui coller une, j'agirais avec prodigalité - pour sûr. Mais je suis pressé, le père se fait du mouron, donc je ne juge pas utile de m'étendre sur son cas, et je vais même jusqu'à fixer mon choix sur l'option on-va-la-jouer-cool. Erreur !
_"Oh vous savez, il est en 3e, c'est la fin de l'année, il en marre du collège, voilà tout. Ca n'a rien de bien inquiétant après tout, que je lui lâche, en lui offrant en sus mon plus beau rictus
_ Non. Quand j'étais élève - et ça ne remonte pas à une époque si lointaine - ça ne se passait pas comme ça. A chaque âge son métier ! Il doit être assidu, respectueux, et travailleur, que ça lui plaise ou non ! J'ai été prof pendant 20 ans, vous savez, et là y'en a marre, je vais tout plaquer, les gosses de nos jours sont impossibles !"
...
Nous empruntons l'escalier, puis le couloir. Il poursuit :
"C'est à cause du discours que vous tenez que le système éducatif français est passé de la première place mondiale à la dernière !!!"
Ben voyons... Je grommelle un chouya, et il poursuit sa litanie :
"Si ! J'ai enseigné en Suisse, en Allemagne, en Italie, et nous en France, on se ridiculise, tout fout le camp ! C'est catastrophique ! Tout ça à cause du principe de l'Enfant-Roi et toutes ces conneries !!!"
Là il commence à me gonfler sévère avec ces inepties... D'abord je n'ai tenu aucun discours - pas le temps, par le goût, pas l'inspiration - et puis s'il savait à quel point je ne suis pas non plus un ami du principe qu'il voue aux gémonies ! D'un côté ça me change... D'habitude j'ai droit aux récriminations de parents terribles, qui rivalisent en "mais vous n'auriez pas dû punir mon fils/ma fille - vous savez, il est si gentil et si poli au fond" et autres tentatives (vouées à l'échec) de bakchiches moraux. Mais dans ce cas, je joue avec maestria (décidément ! encore elle !) de mon inflexibilité. Là je dois m'avouer désarmé. Et je déteste ça. Toutefois, je prends sur moi, jette un coup d'oeil à la salle des profs. P'tain la salope ! Non seulement c'est une cossarde de première, dotée d'un physique à faire se rhabiller les alter-ego féminins de Boris Karloff et d'Abel Ferrara (si, ça compte !), mais en plus elle se permet - pour une et une seule fois (et il fallait que ce soit celle-là) de donner dans l'heure sup' sans intérêt, et d'annoncer au père que son fils n'était pas présent au dernier cours de l'après-midi. Le gars consulte son portable, et se casse furax.
Et là, force est de l'admettre : j'ai l'air d'un con, et je donne raison, envers et contre ma volonté, à la fureur du paternel floué par la chair de sa chair. Et je déteste ça !
AQW.
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