Stase flemmingitoïde, gestion calamiteuse du temps, écriture chaotique et laborieuse, le ricanement des aléas... autant d'explications fumeuses qui pourraient donner raison à un paradoxe sans grande incidence, si ce n'est celui-ci : je n'ai toujours pas écrit de chronique politique, contrairement à ce qui était annoncé. Bigre !
C'est pourtant pas bien compliqué de "parler politique". Suffit d'aller faire un tour au cani du coin, à la machine à café, en soirée, ou sur un forum quelconque pour s'en rendre compte ! Ha ! Refaire le monde, encore et toujours, à défaut de d'y contribuer concrètement. Brasser les sempiternelles "évidences", participer à la cacophonie d'éructations incantatoires, errer du "c'était mieux avant" au "tout est à (re)faire" (du passéisme le plus confortable, à la logique de la tabula rasa qui l'est tout autant), réduire le polemos à une pure posture, provoquer-conformer-condamner, s'écouter avant tout, avec le nombril pour seul horizon ! Loin de moi l'idée de jeter la pierre : pas bien envie d'être lapidé à mon tour, et encore moins par mes propres soins !
J'entends déjà quelques reproches classiques : "ouais, tu parles, tu parles beaucoup même, mais tu n'agis pas", "la critique est facile", "la politique, c'est avant tout l'action"... etc...
Tout n'est pas faux. Alors, que faire ?
Créer un parti politique ? L'idée est très tentante, et l'émergence de nouvelles formations ne pourrait que vivifier la très moribonde scène politique. Mais la dernière loi sur le financement des partis - véritable onction ploutocratique qui achève, s'il y en avait besoin, de rendre la vie parlementaire définitivement haïssable - en a décidé autrement : seuls ceux qui dépasseront la barre des 10% lors des scrutins nationaux se verront soulagés de leurs frais de campagne ! Dès lors, la mise en évidence du caractère éminemment conservateur du suffrage universel se fait d'elle-même, et puisque la sphère politique tend à se délester de plus en plus de ses charges (au profit de structures tout autant politiques, mais qui, afin d'asseoir plus confortablement leur domination, ont besoin de taire leur nature), ce qui est ainsi conservé n'entretient plus que des rapports très ténus avec la chose publique.
Faire de l'entrisme ? Ah le voeu pieu et don-quichottien à la fois ! Adhérer à un parti de gouvernement, pour mieux le phagocyter, le purger, le réorienter et le retourner... Certains s'y sont cassé les dents, faute d'avoir su estimer à sa juste valeur la formidable force d'inertie qui caractérise les partis de gouvernement. Pour les autres, c'est l'appat du confort qui a eu raison de leurs aspirations initiales - je songe entre autres à ce cher Pinpin, qui, visiblement, n'a éprouvé aucune difficulté à se faire le chantre de la sociale-démocratie la plus résignée, bêlante et conservatrice qui soit, envers, contre (et à partir de) ses premières amours trotskistes... Seuls les "princes", les êtres-pour-le-pouvoir de la trempe d'un De Gaulle, d'un Mitterrand voire d'un Chirac (ça me fait mal de le dire, mais force est de le constater) sont parvenus à se jouer de cette inertie, avec plus ou moins de succès.
Désespérer ? Etant donné que toute marque des déresponsabilisation contribue activement au pourrissement de la sphère politique, il est hors de question de se payer un tel luxe ! S'il est tout à fait légitime de contester la représentativité de nos parlements, il convient toutefois de ne jamais oublier que l'on a les gouvernements et les institutions que l'on mérite. En clair, chacun d'entre nous prend part, qu'il le veuille ou non, au destin politique de la communauté. Refuser le politique est illusoire dans la mesure où à chaque résignation correspond un transfert quasi-mécanique de cette part de souveraineté qui n'est pas (ou plus) assumée au bénéfice d'une instance qui en assumera les charges, sans avoir de compte à rendre à personne, attendu que son pouvoir est issu d'une cession toute passive de notre droit immédiat au politique. En bref, la tyrannie se nourrit de l'abandon du politique. Ce n'est donc pas tant l'épouvantail de l'abstention massive (l'une des figures du diable agitée par les thuriféraires de ce foutu civisme, qui n'est autre qu'un vulgaire catéchisme républicain) qui pose problème, que ce désespoir commode et instrumentalisé, qui gangrène la société tout entière.
Le destin politique est à construire, inlassablement, au jour le jour et réclame les forces vives de tout un chacun. Il n'a rien d'un Grand Soir ou d'un avènement providentiel. Et son chemin n'est autre celui de la démocratie participative, la seule qui soit souhaitable, viable et possible. La seule qui ne soit pas rongée par la sclérose de l'utopie. En d'autres termes, il ne s'agit ni plus ni moins que de réinvestir politiquement la société civile, à notre modeste mesure, par le biais de notre vie sociale, et à partir des débats qui l'animent. C'est seulement ainsi que la citoyenneté signifiera autre chose qu'une morale tiède, molle et conformiste, qu'elle sera autre chose que l'organe de la servitude volontaire. C'est seulement ainsi que les velléités pourront enfin être mises à l'épreuve, et s'extraire enfin de la morne et stérile confidentialité.
AQW.
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