A partir d'un savant sondage des “poubelles de l'histoire” (comprendra qui lira), Michel Ragon, avec La mémoire des vaincus, met en oeuvre une passionnante fresque prolétarienne de l'histoire politique du XXe siècle, où se croisent Sorel, Péguy, Vallet (et les autres de la bande à Bonnot), le vieux Kropotkine, le jeune Doriot, Makhno, Victor Serge, Durruti & Nin, Dzerjinski, Lénine, Trostki, Gorki, Delesalle, Vigo, Céline, Vyshinski et j'en passe...Une sorte de livre noir du communisme façon roman anar (mais là, je suis beaucoup trop trivial, je le reconnais).
A travers le récit du destin haut en couleurs du personnage principal Fred Barthélémy, rejeton parigot des rues insalubres du faubourg Poissonnière - tour à tour ajusteur, soldat, clochard, conseiller de Kamenev de 1917 à 1924, fougueux polémiste anarchiste, bouquiniste et retraité miséreux des banlieues rouges - Ragon rend un vibrant hommage à ces figures oubliées, broyées sous le rouleau-compresseur du sens de l'histoire. Bref, ce bouquin est si riche, qu'il m'est impossible d'en proposer une synthèse digne de ce nom.
"Le peuple s'en fout de la liberté. Ce qu'il veut, c'est l'égalité. C'est la norme. C'est le standard. Tous pauvres, tous moches, tous ringards." (Op. cit., p. 551). C'est cette croûte monotone, monochrome, lisse et sans bavure que Ragon, en digne hérault libertaire (rien à voir avec les niaiseries illusoires et puériles des faux-pouilleux des Pentes) brise avec fracas, chaleur et enthousiasme.
AQW.
NB : En guise de complément, je conseille également à tous ceux qui ne dédaignent pas la plongée dans les marges de l'histoire la lecture de Notre avant-guerre de Robert Brasillach, qui dépeint les destins individuels et politiques de certaines figures sulfureuses de la première moitié du XXe siècle (et de “l'autre bord” pour ainsi dire). Mais là, il me semble déjà entendre rugir du fin-fond de la rue Paul Bert un tonitruant "Très bien Axel" ! Ha !
Très bien Axel!
Rédigé par : Un écho de la rue Paul Bert | 23/12/2004 à 11:02