“Non respicias a quo audias, sed quidquid boni dicatur, memoria recommenda”
(traduction : “Ne regarde pas à celui qui parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire”).
L'ami Stéphane m'a récemment fait part de cette très belle sentence du doctor angelicus St Thomas d'Aquin (in Exhortations aux jeunes gens concernant l'étude), qui me semble constituer le prélude élémentaire à tout débat constructif. C'est bien parce que seuls les étiquetages précipités et les attaques ad hominem gangrènent chaque problème posé que les questions de société dégénèrent assez rapidement en faux débats interminables. Il suffit de heurter suffisamment les lieux communs, les idées reçues et les atavismes de tout poil pour être aussitôt voué aux gémonies à grands renforts d'imprécations aussi vulgaires que commodes (facho ! démago ! ultra-libéral ! coco ! poujadiste ! stalinien ! lepeniste ! hollandiste ! raffarinien ! - non, pour ces deux derniers, ça relève vraiment de la science-fiction ! héhéhé !). Le premier réflexe n'est pas d'écouter, mais d'identifier ; le second n'est pas la critique, mais l'inquisition. La police de la pensée se porte à merveille, merci pour elle ! Il faut être bien naïf - ou cynique - pour croire en la fin de la censure... La tyrannie du confort a ceci d'éminemment perfide qu'elle a habilement su faire l'économie de censeurs officiels : quand nous ne nous en chargeons tout simplement pas par nous-mêmes, les Torquemada contemporains et les barons de l'édition s'occupent du reste...
Le despotisme actuel, si accommodant et si feutré, est à ce point perfide et raffiné qu'il crée lui-même ses contre-pouvoirs et ses fouteurs de merde. Le grand-guignol médiatique d'un Ardisson ou d'un Fogiel se veut l'antichambre de la subversion contemporaine - bigre... c'est à en pleurer de rage ! Il n'est qu'un ersatz* de la liberté d'expression - or cette dernière se prend, s'assume et ne peut être autre que totale et indéterminée. Mais que sont nos polémistes officiels, ces Soral, Ramadan, Lévy, Minc, Houellebecq et j'en passe, sinon de piètres et bêlants épigones de cette vieille hyène arriviste et sans talent que fut Voltaire ** ? En clair, à la manière d'un Le Pen sur l'échiquier politique français, ces individus ne sont que des repoussoirs officiels, ergo des artisans de la sclérose bien-pensante dans la mesure où un étroit rapport de convenance se joue entre elle et ses détracteurs autorisés : sans elle, ils ne sont rien ; sans eux, elle n'est pas légitime.
AQW.
* a parte cryptoleitmotivien à destination du Haut-Commissaire à la Question Numberonienne : "c'est-de-l'er-satz !"
** Et merde !! On avait dit pas d'attaque ad hominem, v'la que je tombe dans mon propre piège, c'est malin !! Bah... en même temps, nous ne sommes pas dans le cadre d'un débat... En outre, ce qui me pousse à les citer est du ressort de l'écoeurement, pas de l'indignation. Et enfin : le jihad continue (bien désolé pour les islamophobes invétérés, mais je ne trouve pas de terme équivalent en français et puis je ne suis même pas si désolé que ça) !
Bien l'bonjour,
Au sujet des lieux communs qu'il suffit de brocarder même timidement pour être soudain couvert d'anathèmes du genre "facho" et consorts: le vieux philosophe aux initiales un brin provocatrices (F.N!), qu'il me semble utile de faire intervenir ici, met ça sur le compte de la conception moderne de la liberté (et là on retrouve cette "hyène" de Voltaire du coup).
D'après Nietzsche en effet, la "vraie" liberté, si l'on peut dire, n'est absolument pas une détermination de notre nature, un état établi et garanti par des lois. Elle doit bien être plutôt l'objet d'un conflit/combat et d'un conquête jamais assurés: une perspective qui échappe totalement au "dernier homme", celui de la sacro-sainte "bienveillante démocratie libérale", lui qui s'est donné des régimes politiques fondés sur ladite liberté, posée comme fondement stable ou principe inscrit au fronton des édifices publics; principe dont la remise en cause même partielle est tout de suite assimilée à une entreprise diabolique.
Et voilà comment une conception figée de la liberté sclérose toute tentative de débattre, tant il est vrai que dès qu'il y a vie, et donc volonté, alors il y a jeu d'oppositions entre forces, volonté d'engendrer, de créer, précisément parce que rien n'est appelé à demeurer ou à subsiter sans qu'il n'y ait encore à le vouloir.
Des ravages à la fois de ce que l'on tient pour acquis et d'une crainte érigéee en haine de tout ce qui relève du truchement des oppositions. Et la provocation de surface des Ardisson/Fogiel et autres ne fait, bien sûr, qu'entériner le "système", au sens le plus fossolisant du terme.
Bien à toi,
Le Haut-Commissaire à la question Numberonienne
Rédigé par : Olivier Davenas | 07/01/2005 à 11:43
Eh ouais mon cher Olivier... A plus forte raison lorsque tonne cette foutue antienne : "la sécurité est la première des libertés" ! Ben voyons !! De la liberté bien dosée, bien règlementée, bien comme il faut...
Le pire c'est que nos zélotes de la liberté civile semblent ne pas piger grand chose aux propos de leurs maîtres à penser... Hobbes étant le plus malmené d'entre eux, au point de servir quasi-systématiquement de contre-exemple, alors même que sa théorie de l'Etat de droit n'a aucun sens sans le jeu turbulent des conflits et de l'exercice de la liberté conçu dans sa plus foisonnante indétermination !
Méfions-nous toujours de ceux qui ont toujours le mot de liberté à la bouche ! Les plus grands fouteurs de merde sont bien souvent du côté des auteurs dit "craignos" ou, au mieux, "réac"... Et c'est sûrement parce que leurs critiques de notre démocratie libérale sont incontournables et diaboliquement pertinentes qu'il convient de les noyer sous les quolibets de la bien-pensance... Je songe bien sûr à mes "classiques" (Machiavel, Schmitt, Pascal, Hobbes), et plus largement, je pense que si la gauche a un avenir (d'un point de vue idéologique, ce serait déjà ça), c'est en allant faire un tour chez les fossoyeurs de la "démocratie bêlante" !
Rédigé par : AQW | 07/01/2005 à 21:55