C'est étrange tout de même. Durant la campagne pour le référendum (oui, apparemment, nous avons eu droit à une campagne), nos chers parlementaires rivalisaient en imprécations, sommations grandiloquentes et jets d'anathèmes. C'est bien simple, on se serait cru à une répétition générale du Songe d'une nuit de Sabbat. Une rumeur lancinante parvenait toutefois à s'extraire de la bouillie : le camp du Oui était la voix de la Raison, celui du Non un gargouillis infâme émanant de l'ensemble des "craintes ignobles" du Vieux Continent.
Or que nous est-il permis de lire et d'entendre en cette journée pluvieuse ?
Que la France est finie.
Que la victoire du Non donne le la à la coalition Indo-Sino-Etatsunienne qui va nous exploser la tronche à juste titre.
Que, décidément, il ne faut pas faire voter le bas-peuple qui est incapable de saisir ce qui est bon pour lui.
Que, ça y est, l'avatar contemporain du pacte germano-soviétique est scellé une bonne fois pour toutes, et que son joug sera la promesse certaine d'une gangrène généralisée.
Par un troublant tour de folie, la prétendue "raison démocratique" se met à débloquer à pleins tubes, et à vomir sa haine de tout ce qui échappe, à tort ou à raison, à son diktat de velours. Je le sais bien, il n'y a que les salopards de mon espèce pour ricaner aujourd'hui. Mais - avouez-le tout de même - vous l'avez bien cherché.
Cependant, il n'est aucunement question pour moi de me réjouir de la victoire de ce Non pour lequel je me suis pourtant prononcé. Il va falloir cesser assez rapidement de ricaner. Trève d'enfantillages donc. Faire sauter un rouage d'une mécanique qui semblait bien huilée est une chose - mais en rester là serait donner du grain à moudre à ceux qu'un tel affront (mais quel "affront" au juste ?) a fait se métamorphoser en Nostradamus atrabilaires.
Maintenant qu'il n'est plus question de choisir un camp, il va falloir retrousser les manches, tous ensemble. Car il y a du pain sur la planche - et je soupçonne certains tenants du Oui d'être de grands paresseux qui comptaient sur la dive mécanique pour nous assurer un destin collectif qui se passerait de toute intervention citoyenne. Il me semble bien que le résultat de ce référendum nous donne l'occasion d'oeuvrer, à notre mesure, à notre destin collectif - pour peu que l'on cesse d'attendre le Grand Soir ou de craindre la conflagration finale. L'occasion nous est donnée, une fois le vent de folie passé, de soigner notre hémiplégie, notre cécité, et notre surdité, et de nous accorder le mérite d'être d'authentiques citoyens (donc irréductibles à notre statut d'électeurs passifs).
J'ose espérer ne pas trop me tromper. Une fois n'est pas coutume, je me garderais bien de toute arrogance - car, bien évidemment, tout seul derrière mon écran, je n'ai pas la moindre idée de ce par quoi il faudrait commencer. Discutons-en, ouvrons nos esgourdes, soyons vigilants sans être craintifs. C'est peut-être maintenant que le défi démocratique se joue... encore faut-il le désirer, et cesser de s'abriter derrière des étendards trompeurs et commodes à la fois.
AQW.
Les commentaires récents